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Histoire des casernes : découvrez l'histoire de la Caserne Rochat

Du couvent des Picpus à l’asile de vieillards

Alors que la population s’accroît sur la rive gauche, un lieu de culte devient indispensable. Tout d’abord, les habitants de la Guillotière se contentent des chapelles comme les mariniers ou sont dans l’obligation de rejoindre la paroisse de Saint-Alban à Monplaisir. Pourtant depuis 1627, les Picpus* sont installés dans un couvent, de part et d’autre de la rue de la Madeleine. Mais ces derniers prêtent peu souvent leur chapelle, placée au coeoeur de leur vaste bâtiment équipé en outre de dortoirs, d’une bibliothèque et d’un cloître au milieu de vergers et de potagers, grâce à la générosité du duc de Mayenne et de donations successives. On compte 50 religieux en 1700. Au début de la Révolution, les Picpus sont peu inquiétés et se maintiennent moyennant une rente de 600 livres négociée avec l’autorité**. Leur bien est estimé à 9 851 livres. Neufs religieux sont encore présents dans le couvent. L’année suivante, après une compensation financière pour chacun, ils désertent définitivement les lieux et leurs biens fonciers sont classés biens nationaux, puis vendus en partie à des propriétaires privés. Durant le siège de 1793, le couvent est transformé en caserne, les troupes de la Convention mettent en place des batteries de canons et le clocher de l’église sert de poste d’observation pour guider les artilleurs. Le faubourg est alors très exposé au tir de l’artillerie lyonnaise qui endommage notamment l’église. Lors du rétablissement du culte en France, la chapelle des Picpus devient Notre-Dame de la Guillotière, puis on y ajoute le vocable Saint-Louis, en souvenir des franciscains en 1860. Entre 1842 et 1844, l’architecte Christophe CREPET agrandit la chapelle pour en faire un véritable édifice religieux de
style néoclassique. Grâce à un bienfaiteur, Michel CREUZET, le maire de la Guillotière Henri VITTON décide de fonder en 1822 un hospice mixte destiné à ses administrés dans l’enceinte de l’ancien couvent. En effet, la population majoritairement ouvrière n’a aucun moyen d’assumer sa vieillesse et l’hôpital de la Charité à Lyon lui est interdit. L’établissement est administré par le bureau de Bienfaisance. Le fonctionnement quotidien est assuré par les sœurs de Saint-Charles et les conditions sont draconiennes : l’âge d’admission est de 70 ans, le prétendant doit habiter depuis 15 ans la Guillotière, être pauvre, incapable de travailler et privé de ressources. Admis à l’hospice, ses vêtements, meubles et effets personnels appartiennent de droit à l’institution. C’est ainsi qu’en 1827, seulement quatre pensionnaires sont admis, deux de plus en 1828. Très vite, l’établissement est déficitaire.

Dessin extrait de l’ouvrage Les anciens couvents de Lyon de l’abbé Adolphe Vachet, 1895,p. 477
Plan général du bourg de la Guillotière vers 1710, reproduction à partir d’un fac-similé réalisé par G. Mermet, publié par la ste historique de Lyon, 1875. BML - 5170

* Issu de l’ordre religieux du tiers-ordre fondé par saint François d’Assise. Le père François Mussart, réformateur de cet ordre, forme une congrégation à Paris, en 1601, à l’extrémité du faubourg Saint-Antoine dont le chef-lieu est Picpus
** D’après la requête des religieux du tiers ordre de Saint-François d’Assise du couvent de la Guillotière
adressée au district de Lyon le 4 sept 1790. BML MS Coste 280 (anc. côte Coste 2709)

Le faubourg de la Guillotière, une force vive pour Lyon

Le faubourg de la Guillotière, comme celui de Vaise et de la Croix-Rousse, participe activement au développement économique de Lyon, bien avant son rattachement en 1852. La vaste commune de la Guillotière possède un bâti très dense le long de la grande rue, axe qui reliait le Dauphiné, la Savoie et l’Italie à Lyon, prolongé par le pont du Rhône aujourd’hui appelé le pont de la Guillotière. Véritable lieu de transit, c’est d’abord une halte pour le voyageur qui souhaite effectuer la traversée de la ville et franchir le Rhône. Les auberges sont aussi nombreuses : un passage obligé pour les pèlerins, commerçants, soldats, et pour le transport de marchandises. Un hospice des Passants est proposé aux plus démunis afifi n d’éviter une charge supplémentaire pour l’Hôtel Dieu et la Charité de Lyon.
L’activité est intense, des artisans, boutiquiers et ouvriers vont s’y installer. Chaque population va apporter un certain savoir-faire à la ville de Lyon dans les domaines économiques les plus divers. Dès le XIXe siècle, le faubourg de la Guillotière constitue l’une des premières zones industrielles lyonnaises avec ses usines chimiques comme les teintureries. Une fabrique d’acide sulfurique s’établit en 1803, rue de Marseille baptisant tout un quartier la Vitriolerie. On compte également à diverses époques la célèbre faïencerie Combe, une cristallerie, des ateliers de tissage, des tailleurs de pierres, des maçons et des plâtriers. La Guillotière va ainsi attirer de nombreuses personnes grâce à ses loyers peu coûteux et ses nombreux emplois.
Avec une démographie galopante, passant de 7 000 habitants en 1806 à 41 000 habitants* lors de son rattachement à Lyon (par le décret du 24 mars 1852), elle accueille notamment les plus pauvres et devient un pôle d’immigration important. La Guillotière représente pour bon nombre d’entre eux l’espoir d’une vie meilleure.

Crépet, Christophe, 1807-1864 -- Plan Topographique de la Ville de la Guillotière avec son Embellissement projeté. 1845. Gravé par Duchène Lyon 1845. Fonds Coste 195 BML.

* Les années 1850, un tournant pour Lyon A. le Clézio, étudiant 4e année IEP, année universitaire 2004-2005, séminaire d’histoire dirigé par MM. Benoit et Frangi.

• 1723 : entreposage au couvent des Picpus d’une cinquantaine de seaux de cuir destinés à la lutte contre le feu.
• 1780 : mise en service d’une pompe à incendie à quatre roues attribuée au faubourg.
• 1808 : le conseil municipal de la Guillotière forme un corps de 21 gardes pompiers volontaires.
• 1850 : en progression constante, le corps atteint 96 hommes servant 5 pompes.
• Par le décret du 24 mars 1852, comme la Croix-Rousse et Vaise, la commune de la Guillotière est rattachée définitivement à Lyon. La même année, le 1er septembre, on assiste à la création d’un bataillon de sapeurs-pompiers volontaires à cinq compagnies, une par arrondissement de la nouvelle ville de Lyon.
• 1920 : à défaut de construire une deuxième caserne neuve après celle de la rue Pierre Corneille, trop onéreuse, la municipalité propose au commandant PÉGOUD, chef de corps, d’aménager en poste-caserne l’ancien hospice de la Guillotière, anciennement
couvent des Picpus.
• 1924 : mise en service de la caserne de la Madeleine, abritant la 2e compagnie sous les ordres du lieutenant Pierre Michel ROCHAT.

La nouvelle caserne est alors occupée par un lieutenant, un adjudant, deux sergents, un caporal-fourrier, trois caporaux dont un mécanicien et vingt-deux sapeurs. La caserne dispose d’un fourgon-pompe Berliet CBA-Drouville, d’un premier secours Delahaye 39 PS, d’un fourgon de sauvetage et de protection Berliet CBA, d’une échelle aérienne Magirus de 26 m et d’une remorque de transport pour les deux bateaux de sauvetage lourds de la brigade fluviale créée à la même date. En 1932, on aménage un garage particulier pour la voiture du service médical de nuit, qui met un médecin au secours de la population.

Le secours fluvial, une spécialité incontournable à Lyon

Avec le Rhône et la Saône, Lyon voit se développer des activités fluviales confrontant sa population à de nombreux accidents nautiques. Longtemps, le dévouement de citoyens bons nageurs ou des mariniers assure le secours aux noyés. A partir de 1859, les sociétés de sauveteurs-jouteurs rivalisent dans cette tâche, notamment lors des célèbres inondations de 1840 et 1856.
La Grande Guerre ayant désorganisé ces sociétés, la présence d’un service de secours fluvial permanent devient nécessaire. Le premier « service de sauvetage fluvial » de France est donc créé en 1924 et confiée à la caserne de la Madeleine, sous les ordres du lieutenant Pierre Michel ROCHAT, nageur émérite et ayant à son actif de nombreux sauvetages.
Le commandant Jean Auguste PÉGOUD et le lieutenant Pierre Michel ROCHAT, tous deux désireux de porter efficacement secours aux victimes des inondations et de
noyade, font alors construire deux bateaux de sauvetage en acier de 500 kg et se dotent d’une remorque spécialement étudiée pour transporter les bateaux.
En 1950, les sapeurs-pompiers de Lyon adoptent des barques plus légères en aluminium, propulsées à la rame ou par des petits moteurs hors-bords. Les spécialistes qui sont aptes à manœuvrer ces bateaux sont formés dans la première école française de « nautonier », créée à Lyon en 1955.
En 1959, la deuxième compagnie perd le monopole des sauvetages flfl uviaux, lorsque la troisième compagnie (Gerland) est elle aussi dotée d’un départ de bateau léger.
Aujourd’hui, le secours fluvial est réparti sur une quinzaine de casernes du SDMIS. En 2014, on a dénombré 105 interventions dans cette spécialité.

Extrait du journal Le Progrès, inondations de 1856 par Gustave Garnier dit Girrane
Inondations de Lyon (1856) : vue de l’avenue de Saxe, de l’église et de la place Saint Pothin Froissart, Louis, 1815-1860 (photographe) Bibliothèque municipale de Lyon / P0546 S 107
Entrainement de l’équipe fluviale de la 2ème compagnie sur le Rhône avec un bateau de sauvetage lourd vers 1924. Archives Départementales et Métropolitaines du Rhône

Exposition réalisée en 2016 par le Musée des Sapeurs-pompiers Lyon-Rhône

BIBLIOGRAPHIE

Périer, Jacques — Historique des Sapeurs-Pompiers du Rhône. Couzon : AGB Création, 2001, pp.56-57 Lyon.
Mission Site historique — Zoom rive gauche [Livre] : lire la ville en creux et en relief : lieux, sites et acteurs du patrimoine de la Ville de Lyon, 2004.
Pelletier, Jean — Le 7e : connaître son arrondissement, Lyon : Éd. lyonnaises d’art et d’histoire, 1997.
Drivon, Jules — Les anciens hôpitaux de Lyon [Livre] : hospice du Tiers-Ordre, hospice des vieillards de la Guillotière — 1909 Lyon : Assoc. typogr. — 33 p. BML : Cote 148079.
Notice sur l’hospice des vieillards de la Guillotière [Livre] : avec ses règlements — Lyon: Impr. de Lambert-Gentot, 1833 — in-4 BML : Côte 106511.
Martin, Jean-Baptiste — Histoire des églises et chapelles de Lyon [Livre] ; avec la collaboration de J. Armand-Caillat, L. Bégule, J. Beyssac, J. Birot … [et al.] ; introduction par S. G.
Mgr Dadolle et M. l’abbé J.B. Vanel — Lyon : H. Lardanchet, 1908 – 1909 BML : Côte : SJ AD 411/23.
Vachet, Adolphe (abbé) — Les anciens couvents de Lyon [Livre] — Lyon : E. Vitte, 1895 BML : Côte : FA lyo 02 E.

Cette exposition-dossier a été commandée par le service départemental-métropolitain d’incendie et de secours (SDMIS) et réalisée par le musée des sapeurs-pompiers Lyon-Rhône du Comité d’Animation Sociale et Culturelle du SDMIS. Sous la direction de Madame Sarah BETITE, directrice du musée.
Commissaire d’exposition : Roseline AGUSTIN-TRIAUD, directrice adjointe, responsable des actions culturelles. Avec l’appui de Jacques PÉRIER, conseiller historique et Laure PLAT, étudiante-stagiaire en master 2 archéologie et patrimoine.
Conception graphique : Patrick BOCCARDO – GCCAR.
Le musée remercie particulièrement : Messieurs Guillaume GELAY et Jean-Paul LAROCHE – Fonds Anciens de la bibliothèque municipale de Lyon. L’équipe des archives départementales et métropolitaines du Rhône représentée par son conservateur, Monsieur Bruno GALLAND.

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