« Il est une heure moins cinq lorsque l’alerte retentit dans la caserne des pompiers de la Madeleine […]. Le poste de police de la mairie du 5e arrondissement vient de prévenir qu’un accident grave – des maisons écroulées, des victimes – s’est produit montée du Chemin Neuf, vers la rue Tramassac. Deux minutes plus tard, un piquet de la 2e compagnie, soit 14 sapeurs, commandé par le capitaine Rochat, accourt sur les lieux […].
La nuit est noire, et bien que le ciel soit d’une grande limpidité, l’éclairage public ne permet guère de se rendre compte de ce qui s’est passé : la rue Tramassac est alors complètement libre, et l’hôtel du Petit Versailles encore intact. Mais en arrière des maisons se sont effondrées, et des gens, surpris dans leur sommeil, appellent sous les décombres. Une trentaine d’autres ont déjà quitté précipitamment leur logis. La situation paraît si grave que Rochat appelle son commandant, M. Pégout, et des renforts. À 1 h 15, le commandant Pégout arrive rue Tramassac.
En compagnie de Rochat, il s’apprête à contourner le pâté de maisons par la montée du Chemin Neuf pour se rendre compte de la situation des immeubles effondrés. Ils ont à peine fait quelques mètres dans la montée qu’ils sont arrêtés par une énorme masse de terre d’où s’échappe un ruisseau qui s’écoule dans le caniveau. Pégout croit à une rupture de canalisation puisqu’il fait prévenir le service des Eaux d’arrêter la distribution dans tout le quartier. En même temps, il alerte les autorités municipales. Il est 1 h 25.
L’effondrement semble alors localisé sur les arrières de l’hôtel du Petit Versailles sis aux 6 et 8 rue Tramassac, car Rochat vient prévenir Pégout que des appels “au secours” se font entendre dans la cour. Tous deux essaient d’y pénétrer par l’allée, mais celle-ci est complètement obstruée par de la terre ! … Il leur faut appliquer des échelles contre la façade jusqu’au premier étage, traverser une chambre, puis un couloir, et une seconde chambre donnant sur la cour. Pégout ouvre la fenêtre : toute la cour est comblée par de la terre, à la hauteur du premier étage ; sur la gauche, elle la surplombe même d’environ quatre mètres. C’est de là que viennent les cris.
Des appareils d’éclairage sont installés et l’on s’affaire pour dégager les ensevelis. Deux piquets de sapeurs sont à l’œuvre ainsi que quatre gardiens de la paix cyclistes […]. Rochat peut espérer dégager assez rapidement les victimes. Aussi approuve-t-il le commandant Pégout quand ce dernier lui fait part de son intention d’aller reconnaître par le haut de la montée l’ampleur de l’éboulement, qu’il est alors impossible d’estimer […]. Mais il n’a pas fait 200 mètres dans la plus grande obscurité qu’il doit s’arrêter, la chaussée se dérobe sous ses pas, il n’y a à l’emplacement du Chemin Neuf qu’un énorme trou… Il n’a plus qu’à faire marche arrière.
Mais à peine a-t-il parcouru 50 mètres qu’un son étrange se fait entendre : d’abord simple bruissement, il va en s’amplifiant jusqu’à faire croire au grondement d’un torrent […]. Prévoyant une seconde catastrophe, il se précipite rue Tramassac… En effet, vers 1 h 50, une nouvelle masse de terre s’est détachée de la colline, écrasant tout le bâtiment en façade de l’hôtel du Petit Versailles, en même temps qu’une partie des immeubles voisins, le 4 et le 10, appelé “couvent des Dames de Sion” et occupé par des femmes âgées.
Tous les sauveteurs qui travaillent dans la cour de l’hôtel et dans les étages supérieurs sont précipités sous le choc jusqu’au pied du “mur romain” en face et ensevelis sous les décombres et la terre qui montent dans la rue à la hauteur d’un premier étage ! »
Récit de la catastrophe par M. Mazars, commandant des sapeurs-pompiers
Source : Archives municipales de Lyon